Article paru dans le Ligueur le 19 avril 2023
Clémentine Rasquin a interviewé Valentine Anciaux qui nous délivre ses meilleurs conseils en la matière.
Un contrat à honorer. Une lecture pour s’entrainer. Des tables de multiplication à mémoriser. La journée d’école terminée, il faut encore s’attaquer aux devoirs. Pour certains parents, c’est là que les ennuis commencent.
Valentine Anciaux est psychoéducatrice et fondatrice de Psychoeducation.be. Elle travaille depuis quinze ans auprès d’élèves qui présentent des troubles dys. Une expérience qui lui a permis d’engranger des bonnes pratiques.
Comment mettre l’enfant dans de bonnes dispositions pour travailler ?
Valentine Anciaux : « Les enfants pour qui tout roule s’acquitteront de leur tâche rapidement. Pour les autres, ceux qui ne sont pas scolaires, c’est compliqué de repartir au charbon le soir. Fatigue, distraction, manque de motivation, difficulté à comprendre les consignes… Il existe mille motifs pour ne pas s’y mettre.
La toute première chose à faire, c’est de reconnaître. ‘Oui, les devoirs c’est pénible’. Laissez-le ensuite poser des choix. À lui, à elle, de décider de s’y mettre tout de suite ou de jouer d’abord ? Pareil pour le lieu. Sur la table de la cuisine ou lové dans le divan. Assis ou debout. Tout à coup, l’enfant reprend le contrôle sur les choses.
Reste à conditionner le cerveau. Commencez par tout ce qui se fait en moins de deux minutes : classer une feuille, faire signer son journal de classe… Des actions rapides et simples qui ont des effets positifs immédiats. Continuez avec ce qu’il ou elle préfère. Être en situation de réussite provoque un shot de dopamine (ndlr : l’hormone du plaisir immédiat) et contribue à ce conditionnement positif. »
Dans vos consultations, comment démarrez-vous une séance de travail ?
V. A. : « Je travaille par micro-objectifs. Plutôt que d’assommer l’enfant en listant tout ce qu’il y a à faire, on démarre en douceur. Premier objectif : sortir le journal de classe. En fonction de ce qu’il y a à faire, on morcèle, on priorise. Pour aider l’enfant à visualiser le temps de travail, je trace une ligne qui représente la durée des devoirs et une autre, beaucoup plus longue, pour le temps de jeu. C’est très parlant. En un coup d’œil, il comprend. S’il repousse les devoirs, il grignote sur son temps de jeu.
Je démarre toujours avec un petit moment de jeu. Quelques cartes de type Dobble (jeu de cartes où chaque joueur doit identifier le dessin commun avec la carte de référence). C’est une manière de conditionner le cerveau. On allume les circuits cérébraux. On stimule le lobe frontal. C’est surtout une manière ludique d’entamer le travail. »
Et au niveau de la concentration, qu’est-ce qui fonctionne bien ?
V. A. : « Le plaisir dope la concentration. Dès qu’on s’amuse, on apprend. C’est dans cet état d’esprit que nous avons créé des fiches pratiques. Prenons celle sur l’orthographe des mots qui propose dix manières de préparer une dictée. Inventer une histoire, s’enregistrer, sauter, bouger, tout un coup les choses prennent une tournure amusante et l’enfant entre dans la danse (La fiche est à retrouver ici). Le fait de ritualiser la séance de travail peut aussi aider certains enfants, un peu à l’image d’un sportif, d’une sportive qui s’échauffe, en le ou la mettant dans de bonnes conditions pour travailler. Dégager un espace de travail, allumer une bougie, préparer une boisson, couper un fruit, écouter une musique douce ou mettre un casque pour s’isoler du bruit. De quoi booster la concentration.
En parallèle, on écarte les sources de distraction comme le chien, les petits frères et petites sœurs, la télévision, la cuisine. Il faut pouvoir se mettre dans sa bulle. »
Finalement, pour bien travailler il faut un peu de fun, un endroit cosy et des pauses
Quid de la bonne attitude à adopter en tant que parent ?
V. A. : « C’est une question essentielle. Les devoirs incombent à l’enfant, pas au parent. Et, dans un monde idéal, ils devraient être réalisés à l’école. La première question à se poser en tant que parent, c’est : est-ce que je suis prêt·e à l’accompagner dans son travail scolaire ? Certains parents s’estiment en devoir de faire les devoirs. Ce n’est pourtant pas une obligation et il n’y a rien de mal à inscrire son enfant à l’étude, pour autant que ce service existe dans l’école. On vit dans une société qui voue un culte à l’excellence. Certains parents font de l’excès de zèle et vont au-delà des devoirs. Si l’enfant est en demande, très bien, mais, pour les autres, il ne faut pas en rajouter une couche. Des enfants qui font l’impasse sur la musique ou le sport parce qu’il y a trop de boulot pour l’école, ça ne devrait pas exister. Ça ne sert à rien d’oppresser un enfant pour obtenir qu’il fasse ce qu’on veut de lui. On abime la relation. Il y a une image assez parlante : plutôt que de pousser un bateau à marée basse, attendez que la marée monte, ce sera beaucoup moins lourd et énergivore. »
Un dernier conseil pour la route à livrer aux parents ?
V. A. : « L’école, c’est une chose mais ce n’est pas tout. J’ai appris par des chemins de traverse. Ce n’est qu’à 21 ans, quand je me suis formée au Canada, que j’ai vraiment saisi ce qu’était l’exigence du travail bien fait. Là-bas, on ne cote que quand c’est bon, cela permet d’apprendre de ses erreurs. C’est comme ça que fonctionne le monde du travail et ça devrait être pareil à l’école.
Quel que soit le niveau de votre enfant, conservez votre confiance en lui. Le parent ne doit pas se substituer à l’enseignant·e, ce serait même nocif pour la relation. En tant que parent, notre rôle, c’est de vivre des moments de plaisir et de complicité avec son enfant, de l’éveiller, de l’aider à se découvrir et d’identifier avec lui ce pour quoi il a du talent. »
EN PRATIQUE
Mémo express
- Vous êtes prêt·e à vous retrousser les manches ? Acceptez de ne faire que ça. Mieux vaut fixer vingt minutes de devoirs que d’étirer la séance avec le four qui sonne, le petit dernier sous la douche et le linge à plier. C’est ce « trop » qui fera monter la pression.
- Votre enfant résiste ? Confrontez-le à ses choix : « Si tu ne travailles pas, tu risques de rater ton bilan/ton évaluation/etc.’. Et puis, si l’échec est là, n’oubliez pas qu’il s’agit d’une expérience formatrice, c’est l’occasion de discuter de comment l’enfant l’a vécue et si ça lui convient. Et de réajuster certaines choses selon les besoins.